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In Poésie
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Date d'inscription : 22/08/2023
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Localisation : Parc Naturel Régional des Vosges du Nord

Coup de chaleur sur Apt Empty Coup de chaleur sur Apt

Mer 30 Aoû 2023 - 17:39

Jean Desbouys est un vieil ami de mon père. Il habite en Provence, dans le Lubéron. Du temps de son activité, c’était un viticulteur aisé. A plus de 80 ans, il a cédé, depuis longtemps, à Gilbert et Brigitte, ses deux enfants restés au pays, les immenses propriétés : vignes, champs et bois, mas, mazets et bergeries, mais il est resté viticulteur dans l’âme. C’est sa passion, sa seule raison de vivre depuis que Berthe l’a quitté, l’an dernier.

Bien que la vie ait été plus que généreuse à son égard, Jean est un être d’une extrême simplicité. A le voir, on le croirait démuni, mais le regard est interrogé par son grand soin et la noblesse de son port. Il est en bonne santé et l’exercice continu de son métier l’a maintenu dans une forme encore honnête. C’est un bel homme, chenu certes, mais à la poignée de main restée ferme. Son regard étrange et pénétrant vient de qu’il a un œil noisette, l’autre lilas. Il est de ces vieux provençaux, élevés encore au patois (pas à celui qu’on enseigne à l’école) et passionné des Félibres. Il n’ignore rien de Mistral, de Roumanille ou de Reboul, dont « La Cuisinière Provençale » trône, depuis toujours, sur le buffet de la grande cuisine familiale. A ses heures, il aime s’installer sous les platanes de la cour, quand le soleil tiédit ses ardeurs, pour faire naître de son flûtiau, des airs de pastoureau.



Lorsque je le rencontre, il m’invite près du guéridon du salon. Lui s’est assis sur une chaise basse à l’assise empaillée, de celles que l’on usait autrefois pour s’asseoir dans l’âtre, au plus près du foyer. Il a le coude gauche appuyé sur le coffre à pain, bien campé, il m’a livré ce récit que je vous conte ici.


En ces jours d’août finissant, Jean descend à Apt en tracteur. Il s’agit de prendre livraison d’une remorque neuve. Il est très heureux de se rendre utile, et voir la propriété familiale s’enrichir d’un nouvel outil le remplit de joie. En avance, il décide d’aller en ville, boire un café avec ses amis au Pastre, un café sur le Cours. Diable ! C’est jour de marché, ils doivent tous être là. Avec tous ces touristes, il est bien difficile de trouver une place pour stationner, surtout que le gros tracteur est assez large. La patience, qualité très paysanne, mène à tout, et à force de chercher, Jean voit une voiture quitter le stationnement et s’apprête à prendre la place libérée. Pendant qu’il est sa manœuvre… Ah ! Boudiou ! Cette marche arrière qui ne passe pas, et que ça gratte… Ça y est… Il se retourne et voit une New Beetle s’engager sans façon dans la place. Le cabriolet est immatriculé 75… La conductrice parfait sa beauté d’un coup d’œil rapide dans son rétroviseur et sort du véhicule. C’est une belle jeune femme brune, aux vêtements ajustés qui soulignent son corps sculptural. Jean descend du tracteur et l’interpelle. « Madame, je m’apprêtais à stationner ici, et vous venez de prendre la seule place où je peux me garer ! ». Elle le crucifie de son regard vert et lui répond : « On n’a pas idée, Monsieur, de se promener en ville avec un truc comme ça… Et puis (grand sourire), soyez galant, vous ne pouvez refuser cela à une dame, jeune et belle. ». Sur ce, elle tourne les talons, faisant sautiller son panier d’osier dans sa main droite.

Jean remonte sur son tracteur, enclenche la marche arrière… du premier coup ! et recule d’un bon train. Le crochet d’attelage, la prise de force s’encastrent bellement dans le trop tendre véhicule et transforment l’avant de la Volkswagen en confettis. La parisienne revient en courant et s’écrie, furieuse : « Mais vous ne pouviez pas faire attention avec votre tas de fumier ? » Ce à quoi Jean répondit : « Madame, ce tas de fumier est un outil, que l’on appelle un tracteur et sert, entre autres, à produire votre nourriture. Je ne puis rien vous refuser, vous me l’avez demandé si gentiment. Je vous laisse donc la place. Je voulais juste vous montrer ce que l’on peut se permettre, si l’on choisit d’être impoli, lorsque l’on est vieux et riche. Faites-moi un procès, j’aurais grand plaisir à vous revoir. » Il sort son portefeuille de la poche arrière de son pantalon de gros velours et lui tend une carte de visite. « Montez donc me voir à la ferme, nous ferons le constat devant un bon verre de Carthagène, ou un petit pastaga. Au revoir Madame. »

Sur ces mots, il remonte sur le tracteur, embraye, et part en arrachant le capot, une aile et un soupçon de radiateur… Coup de chaleur en perspective !
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